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Quiz des règles d’or
A quelques mois des présidentielles, le débat sur la règle d’or fait rage. Cette dernière diffère d’un pays à l’autre. La règle d’or en France, défendue par la droite ainsi que par Hervé Morin candidat déclaré du Nouveau Centre et François Bayrou (MoDem), voudrait que le déficit public n'excède pas 0,5 % du PIB, elle laisse pour le moment la gauche sur l’expectative.
Alors qu’en est-il vraiment '
L’origine
A l’origine, la limite constitutionnelle à l'endettement public vient de Suisse, le petit Canton de Saint-Gall, en 1929. Ce Canton interdit tout déficit public, mais c’est la décision de la Confédération Suisse en 2003 qui instaure « la réduction du déficit » qui inspire l’Europe.
Après la crise de 2008, l’Allemagne instaure une règle d’or inspirée du modèle Suisse afin de compenser les effets des mesures de relance adoptées début 2009. Bien que les modèles Suisse et Allemand ne soient pas strictement identiques, le principe a été récemment adopté par la quasi-totalité des pays européens pour répondre à la crise des dettes européennes. Seul le Royaume-Uni s’est désolidarisé du mouvement européen.
Dans la pratique, il y a toutefois des disparités en fonction des pays. Ainsi, à Saint-Gall tout déficit est tout bonnement interdit alors que l'Etat fédéral Suisse applique un « multiplicateur conjoncturel » qui limite les déficits de la Confédération en fonction de la situation économique du pays.
En Allemagne, les Etats fédérés n’ont pas le droit d’avoir de déficit tandis que le l'Etat fédéral peut s’endetter à hauteur de 0,35% du PIB chaque année.
En Pologne et en Hongrie, on ne tient compte que de l’endettement public qui est indexé uniquement sur le PIB du pays avec respectivement 60 % et 50 %.
En Bulgarie, on a préféré combiner l’endettement maximum à hauteur de 40% du PIB avec une limitation de 2 % du PIB du déficit public.
En Espagne, ce sont des lois qui limitent les déficits à 0,26 % du PIB pour l'Etat central et à 0,14 % pour les collectivités locales.
Le processus de mise en œuvre
Si le principe est relativement simple de prime abord, sa mise en œuvre ne l’est pas forcément. Il faut dans un premier temps l’intégrer à la Constitution, c’est déjà en soi tout un défi s’il n’y a pas de consensus au sein du pays, ce qui est le cas en France où le Sénat, récemment passé sous la houlette de la gauche, bloque l’adoption de la mesure. L’Autriche n’a pas non plus réussi à intégrer les mesures à sa Constitution, bloquées par toutes les toutes les oppositions.
Par ailleurs, l’adoption faite, il faut encore tenir compte des réalités économiques qui peuvent freiner la mise en œuvre opérationnelle. Ainsi en Allemagne, l’Etat fédéral s’est donné 6 ans pour mettre en œuvre la réduction de l’endettement et les Etats fédérés auront 10 ans pour y parvenir. En Espagne, le pays s’est fixé la date butoir de 2020 pour répondre aux critères de la règle d’or.
Quelles sont les conséquences '
Macroéconomiques et sociales car le prix à payer est souvent – pour ne pas dire tout le temps – des plans de rigueur généralement sévères. Pour preuve, l’Allemagne a du voter dans la douleur en 2010 un plan de rigueur de 80 milliards d’euros sur 4 ans pour rentrer dans les clous de la règle d’or. Le ministre des finances a d’ailleurs été vivement critiqué pour sa réticence à réduire les dépenses structurelles de l'Etat fédéral qui pourrait remettre en cause les nouvelles règles constitutionnelles en cas de fort ralentissement économique. Pour autant, les objectifs sont encore loin d’être atteints car malgré les fortes coupes dans les dépenses publiques, certains Etats fédérés auront besoin à l’horizon 2019 de l’intervention massive de l’Etat fédéral comme la ville-État de Brême qui affiche des dettes de 16 milliards d’euros.
Comment gérer les périodes de ralentissement économiques '
Les modèles de Saint-Gall (Suisse), polonais et bulgares sont très rigides. Ils ne prévoient pas de procédure en cas de ralentissement économique. Ils doivent donc prévoir des réserves alimentées par les années excédentaires pour assumer les années déficitaires. Pour les autres, la règle d’or s’appuie sur le principe keynésien : resserrement budgétaire en période d'expansion et desserrement en période de ralentissement. Le principe prévoit des dispositions particulières en cas de difficultés économiques. Ainsi, le déficit structurel pourra exceptionnellement dépasser les 0,35% afin d’intégrer d’éventuels plans de relance. Ces derniers sont inscrits dans des « comptes de contrôle » qui devront être amortis en fonction de la situation conjoncturelle. Les dépenses devront toutefois être limitées à 1,5% du PIB.
Quel est le bilan Suisse ' pays à l’origine du principe des règles d’or.
Plutôt probant si l’on en juge par les chiffres. Le pays a ramené sa dette de 130 à 111 milliards de francs suisses (de 105 à 90 milliards d'euros) de 2005 à 2010. Ramené au PIB, l’endettement s’est réduit de 53 % à 40 %. Dans le même temps, la dette cumulée des pays de la zone euro a augmenté de 70 à 85 % du PIB.
Malgré tout, selon le Centre d'Etudes Européennes (CEP), l’adoption d’une règle d’or ne conduit pas forcément à une politique budgétaire responsable car une réelle volonté politique d’assainissement budgétaire est indispensable pour atteindre le Graal. En d’autres termes, la règle d’or est seulement un outil. A supposer que la règle d’or soit adoptée par le Sénat français, rien n’est gagné car comme dirait Albert Einstein à l’époque, ce qui est toujours – ou encore plus vrai – aujourd’hui : « La perfection des moyens et la confusion des buts semblent caractériser notre époque »… ou notre politique.
Thierry Lou
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