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La Banque Postale
Découvrez l'interview exclusive de Matthieu Olivier, Chief Data Officer au sein de La Banque Postale
1. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots (votre métier, votre parcours) ?
Statisticien public, j’ai été diplômé de l’ENSAI en 2008. En sortie d’études, j’ai intégré l’Inspection Générale des Finances (IGF) pour laquelle j’ai créé le rôle de data scientist.
Par la suite, j’ai rejoint Pôle Emploi où j’ai créé puis pris la direction du programme Big Data pendant 3 ans. J’ai ensuite rejoint un cabinet de conseil en stratégie pour accompagner notamment un grand industriel français dans la définition de sa stratégie Data. Depuis Mai 2021, je travaille à La Banque Postale en tant que Group Chief Data Officer avec pour objectif de générer de la valeur par l’usage de nos données via une grande autonomie des métiers sur un environnement technique performant et stable, permettant de réutiliser et libérer la donnée de manière sécurisée, cela dans le respect du cadre légal permettant un contrôle sur l’usage de la donnée.
2. Pourriez-vous présenter La Banque Postale aux membres de Dogfinance ?
La Banque Postale forme, avec ses filiales dont CNP Assurances, un bancassureur européen de premier plan leader de la finance durable. Son modèle d’affaires diversifié lui permet d’accompagner 20 millions de clients personnes physiques et morales avec une gamme complète accessible à tous.
Aussi, attentive à ses collaborateurs, elle propose des parcours diversifiés et investit dans leur formation tout au long de leur parcours professionnel.
3. Quelles sont les compétences nécessaires pour être Data Scientist ?
Pour moi, les compétences principales d’un data scientist portent sur les mathématiques, la statistique et l’algorithmique ainsi que sur la programmation mais cela doit également être combiné à des savoir-être indispensables : la curiosité, la pédagogie, être synthétique ainsi que la débrouillardise.
4. Pourriez-vous m'expliquer votre métier au quotidien ? Les missions, challenges, votre environnement de travail ?
Le chief data officer est garant de la mise en œuvre du volet stratégique de l’entreprise relatif à la data. Pour ce faire, il anime et coordonne l’ensemble des initiatives autour de la data au niveau du groupe La Banque Postale pour en assurer le bon niveau de gouvernance vis-à-vis du régulateur, pour garantir que les environnements technologiques utilisés par les data scientists et data engineers soient à l’état de l’art et, surtout, que les utilisateurs de ces environnements technologiques puissent valoriser les données par de nouveaux usages ou algorithmes qui viendront alimenter nos nouveaux produits, nos nouveaux services ou encore améliorer l’efficience globale de production de la banque.
5. Quelle est l’importance de la data science au sein de l’écosystème financier ?
Nous sommes un tiers de confiance vis-à-vis de nos clients, nous nous devons alors de protéger leurs données. La data science, est le carburant de la transformation numérique que nous vivons dans la vie de tous les jours et que les banques et le secteur financier se doivent d’accompagner. L’action des data scientists est essentielle pour notre activité dans la mesure où elle permet de détecter des comportements atypiques pour lutter contre la fraude, et renforcer nos actions en faveur de la connaissance clients (KYC).
C’est également permettre d’être plus proactif, exemple : détecter le risque d’attrition (churn) d’un client en analysant le ton de sa voix ou de son email, aider les conseillers bancaires en générant des synthèses pré-entretien ou bien en proposant les bons éléments de langage dans un courrier.
6. Quelles sont les spécificités de la data science au sein de La Banque Postale ?
La Banque Postale a présenté il y a quelques mois son plan stratégique. Les objectifs et les ambitions y sont nombreuses autour de la diversification, de la digitalisation, de la différenciation ou bien de la satisfaction client… autant de sujets auxquels la data contribue à petite ou grande échelle.
Le rôle de ma direction est de mettre en œuvre le volet data du plan stratégique en accompagnant la gouvernance data, en construisant un socle technique à l’état de l’art et en fournissant des compétences data à tous les métiers et filiales. Nous nous appuyons pour cela sur une communauté data forte d’environ 500 collaborateurs qui se réunit régulièrement selon les thématiques. Cela permet de partager de manière concrète les bonnes pratiques, le cadre règlementaire, …. Mais aussi d’échanger sur des thématiques futures comme l’explicabilité de l’intelligence artificielle, sur lequel travaille une doctorante.
L’une des spécificités de La Banque Postale est aussi son data lake centralisé qui regroupe énormément de données, facilitant le lancement rapide des cas d’usages. Ainsi, nous en avons de nombreux dans beaucoup de métiers : marketing, compliance, lutte contre la fraude, efficience opérationnelle, marché, IG, …
7. Data scientist dans le secteur public vs dans le secteur privé ?
La Banque Postale fait partie du Groupe La Poste, elle a à ce titre des missions de service public. Après avoir travaillé dans des entreprises publiques et privées, je peux dire que les différences dans le métier de data scientist résident bien souvent dans l’impact et le sens à donner à l’activité. Là où d’autres entreprises privées vont chercher à avoir un impact avant tout business, à La Banque Postale, un data scientist pourra avoir un impact plus important et profond pour l’ensemble de ses concitoyens du fait de son ADN de banque citoyenne
8. Comment voyez-vous le métier de Data Scientist dans 10 ans ?
Je perçois deux axes d’évolution pour le métier de data scientist dans les 10 prochaines années. D’un côté, je pense que pour certaines activités, les technologies d’autoML remplaceront les data scientists et d’un autre côté, nous assisterons à une démocratisation des activités data au sein de certaines lignes métiers qui auront la capacité de faire de l’Intelligence Artificielle (IA) sans en avoir l’air ou conscience. Cependant, dans certaines lignes métiers ou pour des besoins très spécifiques, nous aurons toujours besoin de data scientists avec des compétences mathématiques plus poussées qu’aujourd’hui, pour optimiser des algorithmes du marché et leurs implémentations.
Il faudra par ailleurs réfléchir à un usage éthique de la data : là où les écoles de statistiques forment à l’explicabilité des modèles, beaucoup de data scientists qui n’ont pas eu cette formation ne sont pas encore très conscients du sujet et cherchent plus la performance à l’extrême des algorithmes. Comme disait Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme »
Il faudra aussi penser à la supervision des modèles et des IA en production : c’est une toute nouvelle activité à créer et qui sera passionnante, j’en suis certain.
9. Quels conseils pourriez-vous donner à une personne qui souhaite se diriger vers ce secteur ?
Il ne faut pas hésiter à faire des stages, à être curieux, à se renseigner auprès des Alumni de votre école pour connaitre les réalités des métiers. Comme vous l’avez lu, la data, c’est passionnant, et c’est encore plus le cas dans la finance car nous avons beaucoup de données, nous sommes déjà nativement dans un monde de data que ce soient les données de nos clients, les données de marchés… Nous sommes donc face à un terrain de jeux immense. Au sein des institutions financières, les métiers qui font de la data sont multiples (Marketing, Marché, Modèle, Inspection générale, KYC / compliance / LCBFT, Cyber sécurité) : c’est aussi une chance comparée à certains secteurs d’activités qui ne voient la data que par un prisme unique.
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